Rétrospective de campagne : Izzet (Partie 3 : Revue & Conclusion)

Nous voici dans le troisième et dernier volet de cette série d’articles sur la campagne d’Izzet. Si vous n’avez pas encore lu la première ou la seconde partie, ce serait pas mal que vous le fassiez. Ça augmente mon nombre de vues et j’aime les gros chiffres, ça me rend tout chose. Ensuite vous pourrez retourner lire cette fin de trilogie. D’ailleurs vous saviez qu’une œuvre en deux parties c’était un dyptique ? Oui, c’est compliqué comme mot. Pour ça que tout le monde fait des trilogies.

L'auteur (photo couleur, 2019)

Bon, j’ai déjà décortiqué mes deux arcs narratifs pour parler de certains éléments en particulier, maintenant j’aimerais prendre un peu de distance et revoir l’ensemble de cette campagne d’un œil nouveau. Après ça, j’ai plusieurs axes de réflexion que j’aimerais évoquer.

La critique rôliste

Et pour bien commencer, je vais vous parler d’une critique constructive que m’a faite l’un de mes joueurs.

Les plus

Tout d’abord du côté des points positifs. Malgré tout ce que j’ai dit dans les deux articles précédents comme quoi mon histoire était toute pétée, ce joueur perçoit l’histoire comme l’un des points forts de ma maîtrise. Elle se tient et on a du plaisir à la suivre. Il attribue notamment cela à ma grande préparation.

Ensuite, les nombreux PNJs que je crée ont tous un caractère et une présence propre, ce qui permet de les identifier facilement. Ce compliment me fait d’autant plus plaisir que nous jouons sur Roll20 sans caméra, aussi le ressenti de nos PJs dépend entièrement de ce que nous disons et de la manière de le dire. Selon les théories de la communication, se passer du non-verbal signifie qu’on perd plus de moitié de ce que l’on veut communiquer. C'est donc franchement pas mal.

Enfin, les quelques quêtes annexes dont j’ai émaillé la campagne ont permis de donner du souffle à la campagne : elles permettaient aux héros de respirer avec des choses plus légères et apportaient un certain charme à l’histoire en parlant des choses qui se passent en dehors de la « grande » histoire.

Les moins

Enchaînons maintenant sur ce qui est négatif, et qui correspond je pense à différentes faces d’un même problème. Premièrement, l’histoire, même si elle est bonne, est rigide. Je panique dès que les joueurs prennent une direction que je n’avais pas envisagée. De même, j’ai minimisé les actions de certains joueurs pour me permettre de raconter l’histoire telle que je la voyais. Il en ressort que j’impose mes choix de MJ aux joueurs et que les scènes que je fais jouer sont statiques.

Et pour paraphraser la critique, « Le problème n’est pas que c'est dirigiste (on le fait tous) c'est que ça se voit. » Le dirigisme est donc à l’origine de ces différents problèmes.

Qu’en conclure ?

En tant que MJ, quand vous recevez une critique positive ou négative, vous devez l’accepter. Vous devez la fermer et laisser la critique sortir de la bouche ou du clavier de votre joueur. Vous ne devriez pas la contredire, la discuter, ni en rejeter la faute sur un ou plusieurs joueurs. Dieu sait que c’est tentant, et le Gars-Qui-Vit-Dans-Le-Ciel sait aussi que je l’ai déjà fait. Vous êtes le MJ, et vous êtes responsable de tout ce qui se passe à votre table. Comme vous êtes responsable de tout, vous devez accepter toute critique.
Et la raison pour laquelle vous ne pouvez pas la discuter est qu’elle est éminemment subjective. Ce qui a plu à quelqu’un ne plaira pas à un autre. Cette critique vous permettra de mieux connaître votre joueur et ses attentes sur votre table.

Ceci étant dit, je ne vais du coup ni me justifier ni m’amender de quoi que ce soit. Et après tout, je n’ai pas eu une critique aussi détaillé de mes autres joueurs : peut-être en pensent-ils autre chose ? Néanmoins, c’est vrai qu’entendre dire qu’on est dirigiste, qu’on fait du railroading est assez difficile : c'est tout de mêmele pêché suprême dont est capable le MJ (à en croire Internet).
Allégorie de la campagne Izzet
Je ne peux pourtant qu’enfoncer le clou car c’est un sentiment que je partage plus ou moins. J’ai tendance de faire de mes personnages non des héros mais des spectateurs de combats d’histoires et de combats qui les dépassent. C’est vraiment une tendance forte dans ma manière de penser mes histoires : je mets un ennemi trop gros en face, et pour contrebalancer je mets un allié plus fort que le groupe en face. Au final, le groupe n’est qu’un soutien. Or, nous jouons à Donjons & Dragons, le groupe est censé être les héros. Cette construction crée forcément une histoire rigide : leurs actions ont peu d’impact, les PNJs ont le vrai pouvoir. Je sais maintenant, définitivement, que je dois réfréner mes pulsions grandiloquentes faites de deus ex machina et de shonen nekketsu dans mes histoires.

Concernant le dirigisme en lui-même, j’y reviendrais plus loin dans cet article.

Réflexions

Ok, à partir d’ici je vais parler des choses assez générales auxquelles cette campagne, ses critiques et ces articles m’ont fait penser. Il ne s’agit de rien de plus que de réflexions à ce stade, mais elles méritent d’être évoquées, parce que ce sont les choses sur lesquelles je veux travailler à l’avenir.

Engagement des joueurs et rythme

Au début de cette campagne d’Izzet, j’avais mis une « règle » à la table qui était celle du Miroir Trouble. Pour la résumer simplement, il faut s’imaginer que le  personnage est le reflet du joueur au travers du « miroir trouble ». Ce que disent les joueurs ont un équivalent en jeu. Par exemple, si un joueur fait une blague hors-jeu et que tout le monde rigole, je considère que son personnage a aussi fait une blague (pas la même) et tous les autres personnages rigolent aussi. Si à une audience avec le roi, un joueur dit « Quel con ce roi », je lui proposerai de dire un tel équivalent en jeu. Le but n’est pas de faire des coups de pute aux joueurs (comme « si si, tu l’as dit, le roi te met en prison »), mais de pouvoir bâtir des éléments dans le jeu à partir du hors-jeu. Et grosso modo, ça a bien marché.

Quand je l’ai mis en place, ça a fait jaser les joueurs parce que j’avais rajouté une règle à cela : « Vos connaissances HRP deviennent celles de votre personnage. » Je l’avais rapidement retiré car aucun des joueurs n’était d’accord. La raison de cette règle était de supprimer le meta-gaming. Encore aujourd’hui, je pense qu’elle a un intérêt, mais qu’elle doit être retravaillée.

Au final, toute cette histoire de « miroir trouble »… je l’ai rapidement oublié. Pourtant, je m’étonnais parfois de l’utiliser pour relancer la partie dans un moment de creux ou de l’utiliser pour renforcer l’ambiance d’une scène (empêcher les joueurs de se moquer des PNJs pendant une scène par exemple). Je remarque aussi que je l’ai davantage utilisé autour d’une vraie table que sur table virtuelle. Est-ce en raison du média ou du groupe de joueurs ? Je ne sais pas. À noter, dans mes parties sur une vraie table, je ne leur ai d’ailleurs jamais expliqué le principe du miroir.

Néanmoins, le « miroir trouble » est un concept que je souhaite renforcer et pérenniser. Notamment parce qu’en fait je n’ai même pas besoin d’expliquer que je l’utilise, tant son utilisation paraît naturelle.

La vraisemblance d’un monde

Je n’ai pas la moindre idée de l’époque de l’année à laquelle s’est déroulée ma campagne. Au printemps ou en automne j’imagine, sinon il aurait dû faire chaud ou froid. Je n’ai de ce fait pas prêté non plus une grande attention à la météo, j’en décidais en fonction de l’ambiance que je voulais donner à mes scènes. Je pense d’ailleurs que c’est plus simple et plus pertinent que de tirer une météo aléatoire en fonction de la période de l’année.

Outre la météo, le passage du temps implique notamment une idée de temps qui passe, des fêtes pour célébrer certains dieux, ou passage des saisons, si les villageois sont dans la forêt à chercher du bois de chauffage ou plutôt à cultiver les champs, si les caravanes marchandes circulent ou non...

Marquer le temps qui passe et y adjoindre des célébrations ponctuelles possède un véritable charme dans une campagne longue. Mais marquer le temps qui passe nécessite qu’il passe, une campagne pouvant être très courte. Avec mes deux arcs narratifs, il y a eu très peu de temps morts, et la durée en jeu n’a pas dû excéder deux mois.

Du coup, je me dis que ça pourrait être pas mal d’avoir un calendrier de campagne, de décider quand on commence (quel mois de l’année) pour avoir une vague idée de la météo et prévoir d’éventuelles célébrations. Elles peuvent ne servir que de trame de fond aux évènements qui se déroulent ou au contraire prendre une place plus importante. Après tout, n’oublions pas que faire jouer une fête de village c’est sympa mais ça prend du temps de jeu, ce qui est notre denrée rare. Ce temps serait peut-être mieux alloué à autre chose ? Faire jouer ce genre de scène conviendra très bien à un joueur qui favorise une Esthétique d’Immersion. Si ce n’est pas le cas de vos joueurs, le laisser en arrière-plan et en parler rapidement fera l’affaire : « Vous arrivez dans ce village animé où les gens dressent tentes et tables, car dans deux jours c’est la Fête du Dieu qui pisse dans un gobelet les yeux bandés. »

Comment faire pour gérer ça ? Je dirais que le plus simple est une frise chronologique où on note ce genre d’éléments et sur laquelle on peut ajouter les aventures gérés par les personnages.

Les thématiques

Quand j’ai créé la guilde d'aventuriers Izzet de laquelle font partis les personnages, je n’ai pas réfléchi à comment elle s’imbriquait dans le monde. Je cherchais une colle solide pour lier les personnages du groupe entre eux. J’ai ensuite donné un code à la guilde pour la distinguer de mercenaires peu scrupuleux, et j’ai demandé aux joueurs de créer des personnages pour lesquels le code n’était pas un problème, à savoir des gens d’alignement bon ou dans ces eaux-là. Après ça je n’ai plus jamais utilisé la guilde ou son code.

Je pense que dans nos aventures et encore plus dans les campagnes, il est bon d’avoir des thèmes. Par thèmes, je veux les idées qui unifient l’histoire qui sont évoqués à travers le jeu. Le destin contre l'auto-détermination par exemple. Je pense aussi que si le MJ ne prend pas cela en compte en construisant son histoire, un ou des thèmes émergeront d’eux-mêmes.

Je pense que cette idée de guilde et de code aurait pu avoir un véritable traitement thématique intégré dans l'histoire. Quelle est la place des aventuriers dans ce monde ? Doivent-ils s’unir en guilde ou faire cavaliers seuls ? En quoi une guilde d’aventuriers est-elle différente de mercenaires ? Comment des aventuriers se gèrent-ils entre eux ?
Je pense que j'aurais aimé amener ce genre de questionnements à la table. J’essaierai de réfléchir à des thématiques la prochaine fois que je mène une campagne.

De meilleurs combats

Très honnêtement, s’il y a bien quelque chose qui m’agace à D&D, c’est le système de combat. Son existence même. À partir du moment où on jette l’initiative, on passe en « mode combat », le jeu s’arrête et passe sur un autre rythme où on cherche à se faire mal. J’en comprends l’utilité et la nécessité, après tout, D&D c’est un jeu de baston tout de même. Je me rends compte que parfois quand je maîtrisais, la mécanique prenait le pas sur l’histoire, l’optimum mathématique sur l’optimum narratif. En clair, à ne plus considérer mes ennemis que comme des pantins désarticulés avec un bloc de statistiques.

Sauf qu’ils sont censés être de « vrais » ennemis. En ce sens, la découverte en particulier du blog The Monsters Know What They're Doing m’a ouvert les yeux. Pour donner une « âme » à des ennemis, il faut leur donner leurs propres tactiques et ne pas se contenter de « il t’attaque avec sa lance/tentacule/tronc d’arbre/patte/griffe ». Pour cela, il faut se concentrer sur les ennemis et leurs tactiques plus que sur leurs statistiques.

Plus encore, des ennemis intelligents ne devraient pas combattre jusqu’à leur dernier point de vie sauf s’ils se battent pour des causes précises (des fanatiques pour leur ordre, des gardes pour leur roi, etc). S’ils sont dominés, ils devraient tenter de fuir, de se rendre, d’implorer la merci du groupe. En clair, il faut sortir du jeu tactique où il faut réduire les ennemis à 0 PV le plus vite possible et revenir à un jeu de rôle au plus vite. Le « mode combat » n’est donc là que pour décider qui prend l’ascendant sur l’autre. Et ensuite, que va faire le groupe des survivants ? Les capturer, les emmener, les tuer, les libérer ?

Autre point d’amélioration important et sur lequel je bute beaucoup… Jouant sur Roll20 et amateur de Photoshop, j’ai produit d’assez jolies cartes de combat pour mes joueurs, et j’en suis d’ailleurs assez content. Mais il manque toujours quelque chose… Le terrain est rarement plus que le tableau, plus ou moins grand, de l’affrontement. Or, pour avoir un combat intéressant, il faut pouvoir utiliser le terrain de manière intéressante et dynamique. Se cacher derrière de gros piliers, devoir escalader une falaise pour arriver au contact des archers en haut… Tout cela à l’air évident mais c’est une vraie difficulté pour moi de toujours avoir un « quelque chose » à proposer.

Maîtriser le choix

En menant cette campagne, je me rends compte que comme dans beaucoup d’autres œuvres, le cinéma ou les jeux vidéo, j’aime que les héros s’interrogent sur les choix qu’ils font au-delà de l’aspect du bien et du mal. Ce que l’on peut donc appeler des « choix gris ».

Très marqué par l’excellent jeu Lisa : The Painful qui propose au cours du jeu quelques choix, qui ont la particularité d’être tous mauvais (choisir entre la peste et le choléra en somme), j’ai adopté cette approche dans ma manière de prévoir mes choix. En somme je disais : « Aucune de ces solutions ne vous convient, mais vous devez choisir, alors choisissez bien. » Un de mes joueurs m’a dit qu’il y avait trop de choix gris, et qu’il avait l’impression de ne jamais faire le bon choix. C’était exactement mon intention.

Néanmoins, je me rends compte seulement en écrivant ceci de ce qu’il voulait - je pense - vraiment dire. Déjà on peut parler du nombre de ces choix. S’il y en a trop, les joueurs font finir par se braquer s’ils savent que la moindre de leurs décisions peut amener à de désastreuses conséquences. Deuxièmement, ce joueur m’a notablement indiqué que pour que ces choix gris soient fonctionnels et fassent leur effet, il faut avoir l’information sur les choix possibles mais aussi du temps de réflexion. Deux choses que le jeu Lisa faisait : le jeu s’arrêtait pour le joueur choisisse, et les conséquences étaient très clairement indiquées (donner l’objet ou laisser un compagnon se prendre une balle).

Toutefois, dans la vie d’aventurier, la connaissance et le temps sont deux choses qui peuvent manquer au moment de faire un choix qui peut être crucial. Dans ces moments-là, ne rien faire fait partie de la liste des options. Choisir, et vivre avec les conséquences, voilà ce que je veux.
En y réfléchissant à nouveau, je pense donc que je dois davantage m’approcher de The Banner Saga, jeu où les choix prennent une place importante. Dans ce jeu s’enchaîne différentes situations auxquels le jeu propose plusieurs choix (ça ressemble à ça). Certains choix sont mineurs, d’autres déterminants. Si les conséquences de certains choix sont logiques, certains ne le sont pas, et en pensant prendre la bonne décision, on peut empirer les choses, et cela à cause du manque d’informations. Ainsi, dans ce jeu, si vous attrapez un voleur et décidez de lui laisser une seconde chance, il peut tout autant devenir votre allié fidèle que de recommencer dès que vous aurez le dos tourné. Comment savoir ? Vous ne le connaissez pas.
Pour résumer, ce que j’en tire c’est qu’il faut alterner choix mineurs et majeurs, et ajouter une dose d’incertitude dans certains choix. Selon les gens à qui ils ont parlé, ce qu’ils ont vu, ils auront des informations différentes, avec lesquelles il faudra composer.

Préparation et improvisation

Parlons maintenant du gros sujet. Le dirigisme dont je fais preuve dans ma maîtrise trouve clairement sa source dans ma manière de préparer ma campagne et mes séances. Plus encore, à la fin de cette campagne, je dirais que ma manière de préparer c’est prendre plein d’éléments épars et les faire coller ensemble. Enfin, je prépare « pour préparer ». Je crains d’arriver à la séance sans être préparé, et je prépare quelque chose pour préparer quelque chose, sans vraie utilité.
Imaginez que vous voulez préparez votre repas pour ce soir : vous choisissez vos ingrédients, peut-être une recette, mais vous vous rendez compte que vous n’avez pas la cocote minute nécessaire pour réaliser ce plat… En clair, je n’ai aucune stratégie de préparation. D’où la question que je me pose : que dois-je préparer ?

Pour cette campagne, comment ai-je procéder ? J’ai utilisé OneNote et ai fait une section remplie de pages de différents niveaux où il y avait le détail des scénarios pour chaque arc. Dans ces scénarios, j’avais prévu un peu en vrac les rencontres, les PNJs, les lieux,… Grosso modo, disons que je prévoyais les scènes de jeu, et ce qui pouvait se passer dedans. Ce qui est loin d’être stupide comme la narration dans le jeu de rôle consiste à passer de scène en scène. Je pense pourtant que c’est ce point précis qui génère toute la rigidité de ma maîtrise. Dans mes scènes, je mets des PNJs et ce qu’ils veulent dans cette scène. Ce qu’ils veulent en général se trouve souvent dans ma tête. Cette manière de faire pose problème car les joueurs peuvent très bien choisir consciemment ou non d’esquiver une scène. Si cette scène était obligatoire, je vais devoir la « forcer », faire du dirigisme. Autre élément, comme les PNJs dépendent des scènes, ils n’ont pas d’existence propre hors de celles-ci et j’ai rarement réfléchi à ceux qu’ils feraient en dehors. C’est pourquoi la garde du Gué de la Dague était autant submergée par les attaques de quelques saloperies humanoïdes. Pire, des PNJs peuvent être incohérents entre leurs différentes « versions ». Or, c’est bien à l’envers qu’il faut réfléchir : qui sont les PNJs, que veulent-ils et que peuvent-ils, puis les intégrer dans les scènes.
Cette approche n’exclut pas la construction de scènes, mais elle inverse l’ordre d’importance : le plus d’attention doit être accordé aux PNJs (ennemis comme alliés), proportionnellement à leur fréquence d’apparition.

Improviser les plans des PNJs

Comme je l’expliquais dans l’article sur le role-play, si les joueurs vous emmènent sur un terrain que vous n’aviez pas prévu et que vous ne souhaitez pas développer (improvisation en réaction), les deux consignes sont de donner du sens à ce qui est créé et d’improviser aussi peu que possible. Or, si vous avez déjà le plan des PNJs, vous n’avez plus besoin de les improviser, mais d'imaginer seulement le cadre dans lesquels ils verront le jour, ce qui est plus simple. Je dirais pour résumer que les actions des PNJs dépendent de leurs ressources et de leurs motivations, qui peuvent être impactés par les actions du groupe.
Par exemple, un nécromancien a comme ressources un grimoire de nécromancie, du matériel magique et comme motivation de lever une armée de morts-vivants à son service. Si le groupe d’aventuriers l’arrête, ils impactent ses ressources et ses motivations. Il veut toujours lever son armée, mais d’abord tuer ces enfoirés qui ont volé son grimoire. Sauf qu’il est en prison et n’a du coup aucune ressource pour mener à bien ses projets. Simple, basique.

Faire le point en fin de séance

Pendant le deuxième arc de cette campagne, je faisais après chaque séance un résumé de celle-ci dans mon OneNote, cela m’a été très précieux, et je pense que vous devriez le faire aussi. Après, je suis un poisson rouge, donc forcément c’est un peu nécessaire.

Si je parle de ça, c’est que je pense qu’il faudrait pousser la chose un peu plus loin au vu de ce qui a été dit plus haut. Toujours faire un résumé, et en plus créer les PNJs improvisés au cours de la séance (le barman qui a donné des renseignements au groupe, le voleur étripé sur la place publique…), puis noter si des choses particulières sont arrivées à des PNJs.

Gérer les PNJs

Maintenant que nous avons décidé de faire passer les PNJs au premier plan, nous devons choisir un moyen de les organiser comme je n’en avais pas auparavant. Principalement, il s’agit d’avoir la liste des PNJs mais aussi les projets des PNJs importants, ainsi que leurs actions au fur et à mesure du temps. Je pense donc faire deux choses :
  • Un abécédaire des PNJs (ou liste alphabétique des PNJs, dit plus académiquement) dans laquelle je noterai tous les PNJs créés, leur relation avec le groupe, bref les informations pertinentes, puis le mettre à jour avec le détail de ce qu’il leur arrive au fil séances.
  • Un état à part pour les PNJs (ou groupes de PNJs) les plus importants et les plus dynamiques, alliés comme ennemis. J’y noterai leurs ressources, motivations et projets dans le temps. J’imagine bien un truc comme un tableau qui serait sous la frise chronologique dont on a parlé plus haut (car leurs actions ne sont pas nécessairement dans le même intervalle de temps que celui du groupe) qui récapitule à la fois ce qu’ils ont fait et ce qu’ils vont faire.
Ce document de PNJs majeurs deviendra je pense mon principal outil de travail et de suivi. Après une séance, je peux prendre le tableau, noter ce qu’il s’est passé, mais aussi décider des actions entreprises par ceux qu’on n’a pas vus en jeu. Je peux aussi annoter ou modifier leurs projets.

Dernier point qui est le corolaire de tout ceci : le nombre de PNJs va baisser. En effet, au lieu de créer des PNJs pour des scènes, il sera plus aisé de « piocher » dans cette liste et donc d’avoir des PNJs plus présents, plus impactants et moins nombreux. Et je dois dire que cela me convient bien.

A propos du reste

On a parlé des PNJs, mais la préparation regroupe tout, notamment ce qui a été évoqué dans ces réflexions. Comment préparer des thématiques et les utiliser ? Comment préparer de meilleurs combats ? Comment préparer des choix ? Très franchement je ne sais pas, je vais essayer et on verra. J’ai essayé ici d’adresser le problème principal, à savoir le dirigisme de ma maîtrise. J’avance en tâtonnant.

Il ne faut pas oublier non plus que la préparation n’est pas seulement écrite, elle se fait aussi dans la tête. Un ami MJ aime me narguer en me montrant sa feuille de notes pour ses séances où il y a quatre noms de PNJs et trois idées. Néanmoins, je le connais suffisamment pour savoir que la séance est prête dans sa tête et qu’il est loin d’être en totale improvisation. Mais que ce soit dans la tête ou sur une feuille, une séance préparée est meilleure qu’une séance non préparée, j’en suis convaincu.

Je suis votre serviteur, votre esclave

Je termine cette trilogie d’articles avec ce qui a fait bouger le plus les choses dans ma petite tête. Le MJ Pi est un gars qui fait des vidéos de parties de rôle avec ses potes. Dans le débriefing à la suite d’une partie de Donjons & Jambons (j’ai eu la flemme de rechercher le moment exact où ils en parlent) : Pi explique en rigolant que « le MJ est au service des joueurs, il est leur esclave ». Ça m’a ébloui. Pour beaucoup de conseils, le MJ est « un joueur comme un autre autour de la table » qui a aussi le droit de s’amuser. Si cela semble contradictoire, pour moi ce fut révélateur. J’étais un MJ qui « donne » son histoire aux joueurs, maintenant je suis un MJ qui « reçoit » les actions des joueurs. Oui, ce n’est pas clair du tout, pour moi non plus. J’espère pouvoir vous expliquer ça proprement la prochaine fois.

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