Ma routine meujesque de préparation (pour l’instant)

J’ai pas mal hésité pour le titre. Au début, je voulais un truc qui claque, comme La Quête : la préparation. Mais La Quête c’est surfait quand on parle de JDR. Un autre truc qui claque ? La Voie du MJ : la préparation. J’imagine un pèlerin à la recherche de connaissance, jamais au terme de son voyage : ça a l’air pas mal, non ? Par contre, si j’écris quelque chose : double point, ça veut dire nouvelle catégorie d’articles sur le blog, on est d’accord ? Vu le chaos qu’est ma ligne éditoriale, c’est peut-être trop ambitieux. Ok, on vire le début. La préparation c’est un peu léger comme titre… Ma routine de préparation ? On ne sait même pas qu’on parle de JDR, ça pourrait être ma routine avant le footing ce serait pareil. C’est quoi la suite ? Je ponds un titre à l’arrache et je tape « warm up » sur Google en prenant la première image qui passe ? Un peu de sérieux enfin.

Merci Google !

Je n’ai jamais vraiment su comment je devais préparer mes séances de MJ. Il y a ceux qui brandissent une feuille blanche en disant « Behold ! My notes ! » et ceux qui préparent chaque option. Dans plusieurs rétrospectives sur ce blog (ici, et aussi là), le sujet de la préparation était revenu.

Récemment j’ai fait jouer La Complainte du Papillon et, une routine de préparation s’est imposée, squattait mon canapé et piquait des bières dans mon frigo. Elle faisait le lien entre différentes idées et conseils de mon gourou, le MJ pas content. Comme j’en suis plutôt content – c’est cocasse – je me suis dit que j’allais vous la partager. Voilà. Bon, je n’ai pas d’idée de transition, on y va ?

Connaître le plan des joueurs

 Et la séance va s'arrêter là.

Vous soufflez un peu et vous plongez la main dans le paquet de chips, vide. Ils ne vous ont rien laissé, les salauds. Ils commencent à remballer. Est-ce le moment de se relâcher ? Oui, clairement. Mais c’est aussi le moment où la préparation commence. Est-ce que vous avez une idée de ce que vos joueurs vont faire la prochaine fois ? Si ce n’est pas évident, demandez-leur :

Au fait, la prochaine fois, vous comptez aller au donjon de Trucmuche ou aller confronter Ursula von Bidule pour qu’elle vous donne le machin ?

Il est plutôt probable qu’ils vous répondent, et qu’ils s’y tiennent la prochaine fois, surtout si vous vous leur rappelez ce qu’ils ont dit.

Faire le résumé de la séance

Le jour même ou le lendemain, en tout cas rapidement après la séance, faites un résumé de ce qu’il s’est passé durant la séance. Pourquoi l’écrire rapidement ? Pour éviter le syndrome du poisson rouge.

poisson rouge
Dites-moi chers joueurs, il s’est passé quoi la dernière fois ?

Il s’agit d’un résumé pour vous, incluant donc tous les éléments qui vous paraissent pertinents : les PNJs rencontrés, ce qu’ils ont raconté au dragon d’or métamorphosé en marchand itinérant, etc. A titre personnel, je fais une liste à puces en détaillant ce qu’il s’est passé dans l’ordre chronologique de la séance. D’autres font autrement. Faites ce qui vous convient.

Écrire le début de la séance suivante

Maintenant que la séance passée est gravée dans le marbre de votre ordinateur ou de votre cahier, on peut attaquer la séance suivante, en écrivant le début de la séance suivante. Littéralement, les premiers mots qui vont sortir de votre bouche après « Ok, on commence ! »

Pourquoi faire ça ?

Deux raisons.

Premièrement, quand on commence une partie de JDR, les muscles de l’imagination sont encore froids, et comme ceux du MJ sont particulièrement sollicités, faire un échauffement c’est mieux que se lancer immédiatement à sa vitesse de course. Quoi de mieux que de lire un texte que l’on a préparé ?

Deuxièmement, le début de la séance est trop important pour le foirer parce que vous n’êtes pas dedans. Le début donne le ton et l’ambiance de la séance. Et vous ne serez pas dedans. Vous venez de commencer. Donc, pour éviter la blessure d’entrée de jeu, on prépare le début de séance qu’on peut travailler à notre guise, pour donner à la session la dynamique qu’on veut impulser.

Précédemment…

Vous avez fait votre résumé pour vous, maintenant on va l’écrire pour les joueurs.

Voici une trame que vous pouvez suivre, en commençant du plus général au plus détaillé :

  • Rappelez l’objectif principal du groupe et ce qui le motive à l’accomplir. (Quelques phrases.)
  • Faites de même avec les éventuels objectifs secondaires. (2 ou 3 phrases pour chaque.)
  • Évoquez les points d’intrigue majeurs des dernières séances, qui concernent l’objectif du groupe. (Un paragraphe devrait suffire.)
  • Faites un résumé des éléments pertinents de la dernière séance, c’est-à-dire des informations dont les joueurs pourraient avoir besoin pour la séance que vous allez jouer. (Un ou deux paragraphes.)

Le tout devrait faire une demi-page Word ou moins.

Et maintenant…

Le résumé est fait, maintenant plongeons dans l’action. Le jeu commence ici véritablement. Nous avons deux choses à faire : planter le décor, et demander à un joueur ce qu’il fait.

D’abord, la mise en scène. Pour la première description de la séance, ce n’est pas grave si elle est longue. Il faut synchroniser le cerveau de tous les joueurs pour faire notre jogging imaginaire tous ensemble, et leurs muscles à eux aussi sont froids. Je trouve ça très drôle d’utiliser la métaphore du sport pour une activité consistant à parler et à manger des chips.
N’hésitez pas à poser l’ambiance que vous voulez donner dans cette première description, insérez-y les émotions que vous voulez véhiculez. C’est un ou deux paragraphes à soigner pour une rentabilité maximale.

Ensuite, le « que faites-vous ? ». En début de séance je trouve que c’est juste mortel. Les joueurs ne sont pas encore échauffés, ils vont se regarder en faisant « Heu… ». Pas génial comme départ. Alors, vous allez choisir un seul joueur, celui que vous jugez le plus pertinent par rapport à la scène, et vous braquez le projecteur sur lui.

Idéalement, si vous pouvez commencer la séance par de l’action ou une situation tendue, c’est mieux pour éviter que ce joueur se retourne vers les autres en demandant « Euh… On fait quoi du coup ? »

Alors que vous êtes sur le chemin, tu entends soudain le bruit d’une corde qui se tend. Alors que tu regardes l’origine du bruit, tu vois la pointe d’une flèche dépasser d’un buisson. Que fais-tu, Jean-Eustache ?

Écrire le script de la séance

Voilà, vous avez le début de votre séance rédigé, de quoi la lancer. Maintenant, il y a toute une session qui vient après ça. Sur les 8 séances du scénario, j’ai utilisé un outil particulier, le Script de Session.

Le principe

Vous commencez par choisir vos armes : traitement de texte ou le duo de la feuille et du stylo. Ensuite, vous reprenez le plan des joueurs, ce qu’ils vous ont dit qu’ils allaient faire la prochaine fois.

A partir du début de la séance que vous avez préparé, vous allez écrire le déroulé probable de la séance en devinant ce que vos joueurs vont faire. Deviner est bien le bon mot : connaissant vos joueurs, et face à telle situation, vous allez deviner leurs réactions et continuer à écrire jusqu’à avoir écrit assez de contenu pour une séance. Pas plus.

Si le groupe fait face à une adversité ou un obstacle, vous supposez qu’ils réussissent, mais vous intégrez dans le script la possibilité et les conséquences de l’échec.

Le groupe devrait parvenir à suivre les traces de pas jusqu’au repaire des bandits. S’ils n’y parviennent pas, ils se perdent dans la forêt, se fatiguent, et se font repérer par les bandits qui essaieront de leur tendre une embuscade.

L’intérêt

Dans l’article original, plusieurs bénéfices émergent, mais j’en retiens deux :

Premier avantage : si on a un script et un déroulé, même imparfait, de la séance à venir, on sait ce qu’on doit préparer, à partir de ce qui a le plus de chances de se produire.

Secondement, cela permet d’identifier des problèmes invisibles si on n’a pas le script en prose qui fait le lien entre chaque élément.

L’évaluation du script

Une fois le script rédigé, ou même en cours de rédaction si un souci nous saute à la figure, on peut réviser le script à l’aide de plusieurs questions :

  • Avez-vous pu écrire le script d’une traite sans trop avoir à réfléchir à ce qu’allaient faire vos joueurs ? Alors ils n’ont aucun choix intéressant à faire. Votre script devrait être constellé de marqueurs de modalités comme peut-être, devrait, possiblement, sans doute
    De manière assez contradictoire, le fait d’écrire un script permet d’améliorer l’agentivité des joueurs.
  • Inversement, avez-vous pu aller au bout du script ou êtes-vous bloqué, incapable de savoir ce que vos joueurs vont faire ? Si vous, le MJ, êtes perdu, vos joueurs le seront aussi. Prévoyez des portes de sortie pour le groupe, assurez-vous qu’il a toujours un endroit où se rendre ensuite.
  • Connaissant le groupe, pensez-vous que les indices fournis sont assez clairs pour que les joueurs comprennent la situation ?
  • Est-ce que vous identifiez une situation où les joueurs risquent de tergiverser et de passer beaucoup de temps à réfléchir quoi faire ? Dans ce cas, faites-en sorte soit de rendre un choix plus évident, soit de contenir la durée de la discussion.
    Par exemple, dans un donjon, au moment d’aller à gauche ou à droite : vous pouvez supprimer une porte, ou bien mettre des marques ou des indicateurs sur les portes pour les différencier.

Une fois l’évaluation faite, il faut poser la question à son instinct : « Est-ce que ça l’air sympa comme séance ? » Si la réponse est un oui hésitant, on considèrera ça comme suffisant.

Enfin, une fois la séance terminée, il est recommandé de relire son script, sans le sur analyser, de sorte à voir où vous avez mal deviné. Cela vous permet de faire travailler votre intuition et de faire un meilleur script la fois suivante.

Un retour critique sur l’outil

Si vous avez lu mon retour sur la Complainte du Papillon, vous avez vu que j’étais un peu caustique sur le scénario.

Globalement, les joueurs ont beaucoup suivi le script, pour une raison simple : le scénario était linéaire, et l’agentivité limitée. Au mieux, ils pouvaient choisir l’ordre dans lequel ils faisaient les choses ou sauter certaines parties optionnelles. Je n’ai donc pas testé cet outil dans des conditions « normales » de jeu. L’outil est à la base prévu pour un jeu de type bac à sable, donc j’ai assez bon espoir qu’il peut fonctionner.

Pour les indices, vu que je m’appuyais sur un scénario d’enquête, et que le script s’arrête après une séance, je n’ai pas pu voir que les indices étaient trop décousus au niveau global, et une fois arrivé à la fin du scénario, le mal était fait.

Cependant, je sens un grand potentiel dans l’outil. Surtout, je le trouve incroyablement efficient. En écrivant quelques paragraphes, environ une demi-page Word pour une séance de 3 à 4 heures, je pouvais me mettre à la place de mes joueurs et faire des ajustements de manière très souple, et faire des économies de temps significatives sur le reste de la préparation.

Visualiser

Pour l’instant, ma routine est très formalisée : écrire des trucs, réviser des scripts… A partir de là, ça l’est beaucoup moins.

Une fois le script rédigé, j’essaie d’identifier les scènes les plus importantes, et j’essaie de les construire dans ma tête en amont de la séance. En bref, visualiser les scènes où passera le groupe pour être capable de bien les décrire, mais aussi pour mieux « les jouer ». Pas seulement les lieux donc, mais aussi les personnages. Avant, je me contentais de dire « une auberge » en appelant à l’imaginaire collectif des joueurs. Cependant, si j’ai une image précise de l’auberge sous la neige et des manières de la tenancière avant le début de la partie, c’est d’autant plus simple de rendre ce moment vivant durant la partie.

En plus, imaginer des choses c’est facile, il suffit de rêver éveillé, en marchant pour aller au boulot, sous la douche, dans le tram, etc. Le bonus c’est que ça a tendance à augmenter ma hype pour masteuriser la séance à venir.

Restituer les descriptions

Une fois visualisés, il faudra donner cette image mentale aux joueurs pour que l’on soit tous à la même page. C’est plus facile si la scène est claire dans notre tête, mais ce n’est pas si facile non plus. Auparavant, je m’étais déjà reposé sur une description intégralement rédigée pour un moment fort, l’entrée dans l’antre d’un dragon, mais ça faisait cheveu sur la soupe à mon goût car je ne parle pas comme j’écris.

Cette fois-ci, je me suis préparé quelques listes à puces sur les choses à ne pas oublier de mentionner à mes joueurs, ça a bien marché.

Des descriptions basées sur les sens

Dans l’un de ses cours magistraux, mon gourou a énoncé une idée qui m’a puissamment heurté : «  Un MJ ne donne que des faits. Il ne donne aux joueurs que ce qui est accessible à leurs sens. »

Par exemple, dire que les personnages ont un sentiment de malaise en entrant dans le château hanté c’est un raccourci, la traduction d’une sensation. A la place, on pourrait parler de la chair de poule qui saisit les PJs, des cheveux qui se dressent sur la tête, de la sensation d’être épié, le fait de voir des choses bouger en périphérie du champ de vision, etc.

De prime abord, ça a l’air extrêmement simple, faisable en partie, mais ça requiert de bien se creuser les méninges parfois, et c’est pourquoi je l’ai mis dans ma routine de préparation.

Revue de l’adversité

J’ai tendance à être un MJ non seulement bisounours mais aussi poisson rouge, alors j’ai mis dans ma routine de réviser mes ennemis en cas de combat, ou mes obstacles sur la manière dont ils enquiquineront mon groupe de joueurs.

Notamment, j’essaie de m’ancrer dans les PNJs-obstacles, c’est-à-dire ceux qui ne veulent pas aider le groupe gratuitement, voire s’opposent à eux, pour comprendre ce qui pourrait les faire changer d’avis, les leviers qu’ils ont à leur disposition, etc.

La préparation technique

Comme je joue en distanciel, j’entends par préparation technique toute la partie logicielle, le VTT en somme. Je ne vous cache pas qu’elle est à la fin car… c’est la partie qui me fait vraiment chier.

Je joue avec Foundry VTT. J’aime beaucoup ce logiciel qui est entièrement paramétrable, qui n’a pas les lourdeurs d’un VTT en ligne. Mais qu’il soit en ligne ou pas, la préparation technique est à mon goût devenue trop chronophage : importer les images, les battlemaps, la musique… Quelle barbe.

Les battlemaps

L’essentiel du travail ici c’est de produire la carte de bataille. De mon côté j’utilise DungeonDraft car je suis trop perfectionniste pour prendre une battlemap toute faite sur Internet. Surtout, ce que je déteste sur ces battlemaps prêtes-à-l’emploi, ce sont les éléments irréels qui ne sont pas pertinents dans notre cas, que tout le monde voit avec ses yeux, pour lesquels on doit mentionner : « Non, il n’y a pas le râtelier d’armes dans le coin. » Sur mes autres tables, on pose souvent cette question que je trouve douloureuse : « Est-ce que la map est contractuelle ? » Comprendre si ce qu’on voit sur la carte existe dans la fiction. Et dire non est souvent frustrant.

Deux choix s’offrent alors à nous :

  • Produire ses propres battlemaps. C’est long mais c’est du sur-mesure.
  • Adapter notre scénario à une battlemap qu’on trouve. Vu qu’on en trouve plein en ligne, ça peut être également assez long de trouver la « bonne » battlemap à prendre…

Vu qu’on joue en distanciel, j’ai souvent la sensation que le support visuel est nécessaire à l’immersion. Je commence à me poser sérieusement la question si je ne vais pas jeter cette idée à la poubelle et faire un grossier dessin à la main, comme je le fais dans mes parties IRL. Un argument de poids va dans ce sens : produire ou chercher ses battlemaps, c’est long, et ça me fait incroyablement chier. Et le JDR est encore un hobby.

La musique

J’adore la musique, et comme je suis perfectionniste, j’ai tendance à chercher la playlist parfaite. Sur le scénario passé notamment, j’ai clairement abusé, avec un grand nombre de morceaux propres à une situation précise. Pas efficace du tout.

Le choix efficace ça aurait été d’avoir une grosse playlist et de prendre un morceau à peu près pertinent. Ou bien d’utiliser YouTube avec ces morceaux d’une heure qui sont taillés pour une ambiance particulière, un vrai régal pour les MJs. Cependant, ça devient difficile d’utiliser YouTube, que ce soit via Discord ou via Watch2Gether sans être interrompu toutes les 5 minutes par une publicité. Foundry permet de diffuser la musique de son ordinateur, mais là également, il faut la mettre sur son ordinateur, ce qui peut nécessiter pas mal de manipulations.

Néanmoins, la satisfaction d’avoir la bonne musique au bon moment, ça n’a pas de prix. Pour tout le reste, il y a Mastercard. Ah merde, encore une pub. Ignorer l’annonce, j’ai dit IGNORER.

Conclusion

Et voilà, nous sommes arrivés au bout de cette routine de préparation. C’est le moment où vous vous asseyez avec un peu plus de sérénité à la table. Comme vous êtes prêt, vous avez le temps de piocher des chips dans le paquet avant qu’il n’y ait plus. Le goût de la satisfaction : Pringles Hot Spicy.

J’espère que vous avez pu trouver dans cet article une ou deux idées intéressantes que vous pourrez ajouter à votre propre routine. Je reviens sur mon titre, mais il s’agit bien de ma routine du moment. Peut-être que pour un autre jeu, elle sera complètement caduque et je la reverrai entièrement. Pour l’heure, je la trouve assez complète et elle comble bien mes défauts de MJ. Rappelez-vous que la préparation a pour but de faire avant la partie ce que vous feriez mal pendant la partie. Tout le monde a des points forts et des points faibles. Appuyez-vous sur vos points forts et préparez-vous de sorte que vos points faibles ne vous mettent pas des bâtons dans les roues.

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