Rétrospective de one-shot : The Classic One
Un jour, alors que je gambadais tranquillement sur Discord,
une notification m’accosta : « Oh, bonjour ici Monsieur.
- Bonjour, je lui répondis, car j’étais poli.
- Très cher, moi et mes amis, vous avons choisi, pour mener
un scénario bien précis de D&Di.
- Et lequel donc, je vous prie ?
- Un où un dragon rouge sera occis, par des personnages
typiques déjà définis.
- J’accepte cette proposition avec bonhomie, mais pourquoi
est-ce moi dont vous vous eussiez enquis ?
- Car nous le savons, Monsieur, des dragons vous êtes épris.
Vous serez aux anges de jouer pareil ennemi.
- A cela je dis oui, je ne peux refuser pareil défi. »
Un bien beau dragon rouge |
Si si, ça s’est presque passé comme ça. Il a suffi qu’un ami voit un tweet et d’un trou dans notre planning de JDR à cause d’une absence pour que je sois chargé de mener un one-shot de D&D : un guerrier humain, un magicien elfe, un clerc nain et un halfelin roublard contre un dragon rouge. La partie a été joué, et comme de coutume l’autocritique c’est ma passion, j’écris donc pour me fouetter.
Le petit résumé des familles
A quoi donc ressemblait la séance ?
Le groupe de héros (niveau 12) arrive dans le village peu joyeux de Branchebois, avec des maisons incendiées et des villageois résignés, mais méfiants vis-à-vis des aventuriers. Ils apprennent rapidement qu’un dragon rouge terrorise le village, et que celui-ci demande un tribut humain une fois par an. Mais aussi à chaque fois que le dragon est dérangé dans son antre par des gens qui le menacent. Et il y a quelques jours, un groupe de nains était de passage au village… puis le dragon est revenu pour exiger réparation de l’envoi des nains dans son antre. Comme d’habitude, le village choisit le malheureux au tirage au sort : et c’est Estelle, la fille de l’aubergiste qui a été choisie.
L’aubergiste, lui, est inconsolable. La plupart des villageois sont fuyants quand le groupe propose son aide. L’aubergiste remarque la quantité d’objets magiques que possèdent les aventuriers. Un homme cependant donne rendez-vous au groupe à l’arrière de l’auberge au milieu de la nuit : c’est Pierrot, l’amant d’Estelle. Il donne au groupe une carte grossière avec la localisation de l’antre du dragon et leur demande de tout faire pour sauver sa bien-aimée.
Retournant dans leurs chambres, Tabriz la halfeline s’endort lourdement… Les autres sont brassés. L’aubergiste essaie de rentrer discrètement dans la chambre de Roger le guerrier, avec un couteau de cuisine… Le guerrier dégaine son arbalète et lui plante un carreau dans la main, qui l’accroche à la porte. L’aubergiste explique alors que le dragon est prêt à échanger une vie contre des objets magiques ! Le gredin avait mis des somnifères dans la nourriture et voulait s’emparer de l’équipement du groupe pour marchander la vie de sa fille. Inejebod (c’est une anagramme : vous l’avez ?) le clerc nain raisonne cet homme en lui montrant le monstre qu’il est devenu et lui redonne espoir.
Le lendemain, sur les conseils de Pierrot, ils vont voir le trappeur dans la forêt pour avoir des informations sur le chemin qui mène à l’antre du dragon. Au départ peu volontaire de mener le groupe vers leur mort, il finit par leur donner des indications sur comment se repérer sur le vieux chemin qui traverse la forêt, et mène à l’antique forteresse naine de Bazarak.
Le groupe arrive au début de la nuit. Ils sont accueillis par un groupe de hobgobelins et des serpents de feu (des salamandres plus faibles). Le groupe les défait mais le combat est rude. Notamment, les hobgobelins parviennent à faire sonner une cloche, sûrement une alarme.
Le groupe pénètre dans la forteresse. Passé quelques couloirs, ils arrivent dans une pièce avec une plateforme qui descend. Un ascenseur quoi. Le groupe l’emprunte et se retrouve dans une immense forge naine utilisant la puissance du volcan sous la montagne, et la lave coule à flot. C’est bien sûr là que le dragon a son antre. Moment cinématique avec le dragon rouge Ignival qui se présente alors que le groupe descend la plateforme. Une fois en bas, il leur demande ce qu’ils veulent lui laisser : leur vie ou leurs objets magiques. Roger coupe court à la négociation en déclarant qu’il repartirait d’ici avec sa tête. Le combat, dantesque, s’engage. Le dragon fait tomber deux fois deux personnages à 0 pv, et une fois un autre. C’est tendu, mais le groupe parvient finalement à pourfendre le dragon.
Ils célèbrent la victoire dans le village, et assistent à la noce de Pierrot et d’Estelle, dont ils ont sauvé la vie. Et ils sont riches aussi, vu qu’ils ont gagné le trésor du dragon. Happy end !
L’heure de l’auto-fouet
Pour le coup, je suis un peu mieux organisé que pour mes autres articles, car pour ce one-shot, je m’étais fixé trois objectifs avant la session : avoir un temps de préparation faible, gérer la durée de la session et insuffler un ton et une ambiance particulière. La question est : ces objectifs ont-ils été remplis ?
Le temps de préparation
Je suis un perfectionniste. Rien ne me convient jamais vraiment. Sur mes sessions précédentes, j’ai toujours remis en question tout ce que je préparais, tout le temps. Du coup j’ai voulu mettre d’énormes baffes à ce perfectionniste, pour plusieurs raisons.
Déjà, c’était un one-shot. Il n’y avait donc pas grand-chose à préparer, juste environ 4 heures de jeu.
Ensuite, c’est un scénario « classique ». Un gros monstre. Un gros combat. On va à l’essentiel.
De manière plus générale, je voulais changer d’état d’esprit (shifter de mindset, comme disent les gens in) : je ne voulais pas préparer un scénario extraordinaire, mais un scénario bien. Pas un très bon scénario, un juste bon scénario. En clair, je veux arrêter de me prendre la tête. Lorsque je préparais, je me posais la question : « Est-ce que ça semble cool en l’état ? » Si la réponse est oui, alors je m’arrête. J’avais envie de retoucher plein de trucs, le perfectionniste hurlait à l’intérieur : « Tu peux faire mieux que ça ! » Je lui mettais alors une grosse mandale en hurlant : « Rien à foutre, ça sera bien ! » Les gens qui étaient dans la rue à ce moment-là ont changé de trottoir précipitamment.
Le résultat
Globalement, je suis content, car j’ai plutôt bien réussi à me tenir à ce principe.
En réalité, en terme de temps de préparation réel, je crois que je n’ai jamais dépensé autant d’heures de mon temps pour une session. La raison en est simple : j’ai voulu prendre en main Foundry VTT. J’avais déjà mené dessus sans prétention mais là je suis vraiment rentré dans le vif du logiciel. Ça m’a pris énormément de temps de comprendre comment faire les trucs que j’utilisais sur Roll20. En plus, les joueurs ne connaissant pas Foundry non plus, j’ai dû les aider à faire leurs fiches.
Un ami a eu l’exquise gentillesse de me faire des cartes sur DungeonDraft qui s’importent dans Foundry pour mon scénario. Et pareil, essayer de comprendre tous les outils : les murs, les tokens, les fiches des PNJ… C’est un peu frustrant d’avoir dépensé tant de temps dans juste un one-shot, mais je suis plus à l’aise dessus maintenant.
Le temps de jeu
Il y a quelques temps, je m’étais chauffé pour faire jouer le Trésor du Bigat, un scénario d’initiation du JDR Brancalonia, du fantasy spaghetti motorisé par la 5e édition. J’avais même vu un actual play et ça durait grosso modo 3 heures. Niquel pour un one-shot avec une session de 4 heures. Sauf qu’on a fini à 1h30 dans la nuit, après 5 grosses heures de session. Les joueurs m’en ont voulu, et ils avaient bien raison. Ma conviction s’est d’autant plus renforcée lorsque j’ai lu un article de mon gourou : il faut prévoir une heure de fin, et la respecter. Pourquoi ? Simplement parce que si on convient d’une session de jeu de 20h à 0h, ben il faut respecter ce deal. Le temps des autres n’est pas à ma disposition.
Je m’étais donc fixé un objectif simple : lorsque minuit sonne, je dois avoir dit « Et la séance va s’arrêter ici. »
Et j’ai essayé de préparer en conséquence. J’ai ressorti un vieil article de mon gourou où il proposait des modèles pour « remplir » ses aventures en terme de temps de jeu. Exactement ce qu’il me fallait. Je vais essayer de vous le résumer simplement. En gros, selon la taille de la session que vous recherchez, vous avez un budget avec un certain nombre de points. Ensuite vous pouvez dépenser ces points avec du « contenu du jeu » pour la remplir. Ça se présente comme ça, en prenant juste ce qui m’intéressait.
Mini-aventure (d’une ½ séance à une séance) : 4 points
Petite aventure (une à deux séances) : 8 pointsRencontre mineure : 0,5 point
Rencontre majeure : 1 point
Rencontre climatique : 1,5 point
Résoudre un objectif mineur : 0,5 point
Résoudre un objectif majeur : 1 point
Super pratique ! Je me dis qu’il vaut mieux prévoir trop petit que trop grand, et je fais mon budget autour de 4 points. Ce n’est pas un outil parfait non plus, l’auteur le dit lui-même, et ça dépend aussi de la longueur des séances des gens, mais pour 4 heures ça me paraissait cohérent.
Sous vos yeux ébahis, je vais vous montrer ce que j’avais préparé. Vu que je savais que ce n’est pas ultra précis, j’ai aussi affecté le temps que j’estimais parce que je connaissais mes joueurs.
Récupérer les informations au village : Objectif mineur 0,5 pt – 1h
Entrée avec les hobgobelins : Rencontre majeure 1 pt – ½ h
Pièce asphyxiante : Rencontre mineur 0,5 pt – ¼ h
Rencontre avec le nain survivant : Objectif mineur 0,5 pt – ¼ h
Salle des vannes : Rencontre majeure 1 pt – ½ h
Le Dragon : Rencontre climatique 1,5 pt – 1 h
Soit 5 points, avec des éléments facultatifs. Et 3,5h en tout, j’ai 30 minutes de marge, même, ça passe. Et une fois que j’ai fait ça, selon ma règle du temps de préparation, j’ai trouvé que ça m’avait l’air OK et j’ai arrêté d’y réfléchir.
Le résultat
Si vous avez lu le résumé, vous savez déjà qu’il y a un problème. On a terminé à 0h15. C’est donc un échec. Non, non je ne veux rien savoir c’est juste un quart d’heure. Je voulais finir avant minuit, j’ai échoué.
Et j’ai de nouveau, trop préparé. La partie Village a duré 1h45. Le combat contre les hobgobelins 1h. Le dragon une bonne heure. Ensuite, j’ai eu l’intelligence de prévoir la partie Pièce asphyxiante / Nain survivant / Salle des vannes comme optionnelle. Il s’agissait d’un bloc de rencontres permettant de couper l’arrivée de lave dans l’antre du dragon et de casser les actions d’antre du dragon, ce que je trouvais intéressant. Lorsqu’ils sont arrivés dans la salle de la plateforme, j’ai décrit le couloir à droite (le chemin optionnel) et indiqué qu’il y avait un cadavre carbonisé sur la plateforme (Hé le dragon c’est par ici !). Mes joueurs ont regardé l’heure et se sont juste dit qu’ils allaient affronter le dragon. Et je les en remercie, sinon on aurait fini à je ne sais pas quelle heure. On est donc sur un fail bien, bien solide.
Alors, que s’est-il passé ? J’ai repris mon modèle a posteriori (tout a l’air plus facile après coup) pour voir. J’étais sur quelque chose comme ça :
Comprendre la situation au village : Objectif mineur 0,5 pt
Obtenir la localisation du dragon : Objectif mineur 0,5 pt (voir même 1)
Scène avec l’aubergiste : Rencontre mineur 0,5 pt
Obtenir de l’aide sur le chemin à prendre : Objectif mineur 0,5 pt
Entrée avec les hobgobelins : Rencontre majeure 1 pt
Le Dragon : Rencontre climatique 1,5 ptCe qu’on a joué donc. 4,5 à 5 points pour 4 heures de jeu. Mais j’avais en plus d’autres choses prévues.
Pièce asphyxiante : Rencontre mineur 0,5 pt (voir même 1)
Rencontre avec le nain survivant : Objectif mineur 0,5 pt
Salle des vannes : Rencontre majeure 1 ptSoit entre 6,5 et 7,5 points en tout. On est sur le budget de la petite aventure, entre une à deux séances…
C’est vraiment le temps passé au village qui a dévoré mes prédictions. Parce que si on regarde le détail de ce que j’avais attendu que les joueurs trouvent, il y avait vraiment beaucoup de choses ! Au final, 2 pts complets pour environ 2 heures de jeu c’est assez logique. J’avais tout uni dans « le village » mais ça n’a pas de sens. Il faut regarder quels sont les objectifs et les obstacles que les joueurs vont rencontrer.
Cependant, je dois avouer que j’aime bien ces modèles de « remplissage » d’aventure. Ils sont flexibles et simples à utiliser. Le problème que j’ai eu c’est que j’ai mal appréhendé la taille du contenu justement. Pour éviter ça, je pense que je vais essayer le script de séance dont parle mon gourou. Pour résumer, il s’agit d’un texte où le MJ écrit ce qu’il pense qu’il va se passer lors de la prochaine séance. Stay tuned.
Un de mes joueurs m’a aussi indiqué qu’ils ont pris le temps d’incarner leurs personnages pour se mettre dedans, et que ça a peut-être pris 30 min. Alors… peut-être. Mais le roleplay c’est un des plaisirs du jeu, ce n’est pas une variable que je souhaite ajuster.
Si je devais refaire jouer ce scénario en one-shot, je crois que déjà, je commencerai la séance en expliquant que le groupe a été recruté par le notable du coin suite aux sollicitations des villageois, avec l’aubergiste comme contact. Ensuite je ferai en sorte que le sentier vers l’antre du dragon soit facile à suivre, comme ça je peux faire sauter le trappeur. Je supprimerai tous les éléments optionnels.
Ou bien, autre solution, proposer le scénario en deux séances la prochaine fois.
Le ton et l’ambiance, par les descriptions
Pour ce one-shot, je voulais un ton héroïque avec des héros qui sauvent la veuve et l’orphelin, pas juste démarrer devant le donjon avec le dragon au bout. Au contraire, je voulais que le dragon, malgré qu’il attende dans sa salle du boss, soit omniprésent. Le désespoir qu’il a instillé aux villageois, au point qu’ils refusent l’aide proposée, car ils devront en payer le prix ; les nains qui cherchent à récupérer la forteresse de Bazarak ; les hobgobelins et les salamandres soumis par le dragon.
C’est un sujet large, alors j’ai restreint mon objectif au fait de faire de meilleures descriptions, pour immerger les joueurs dans mon univers, car je sais que c’est quelque chose sur lequel j’ai du mal.
La visualisation
Il y a longtemps j’ai écrit un article sur la narration, avec notamment comment décrire la scène aux joueurs. En le relisant aujourd’hui, je suis toujours d’accord avec ce que j’ai écrit. (Yeah !) Il faudrait juste que je fasse ce que je dis maintenant.
Globalement, sur cette séance, j’étais assez satisfait de ma performance – nous allons continuer à rentrer dans le détail – et après coup, je me suis rendu compte que j’avais énormément visualisé les endroits de ce scénario. Ce que je veux dire par là, c’est qu’avant de décrire, j’avais vraiment l’image mentale de ce que je voulais décrire en tête. Ce qui était rarement le cas auparavant quand je maîtrisais, j’utilisais des sortes de décors « génériques » : auberge, château, forêt, etc.
J’ai imaginé le village de Branchebois, à quoi ressemblaient les maisons, la forme de la place centrale ; l’entrée de la forteresse de Bazarak, et toutes les pièces de mon donjon, et c’est cette visualisation qui m’ont permis de faire des croquis dégueulasses à mon poto qui m’a fait les battlemaps.
Je suis à présent convaincu que c’est une brique fondamentale de la préparation de la séance. Et en plus, fermer les yeux et imager des trucs c’est plutôt cool. Faut juste pas s’endormir.
Les descriptions préparées
Mon gourou, encore lui, a parlé rapidement dans cet article du début de séance pour le MJ. Commencer à décrire, à jouer, alors que le moteur est encore froid, c’est difficile, ô que oui. Alors dans ce cas, lui préconise d’écrire ce qu’on veut dire et de le lire. Parce que la manière dont on commence la séance donne le ton de toute la séance. Je me suis dit que ce conseil serait valable aussi pour toutes les scènes « chargées » et importantes où on veut poser une certaine ambiance, où on veut maîtriser parfaitement sa narration. Parce qu’il n’y a pas de meilleur moyen de maîtriser sa narration que de lire quelque chose de préparé.
Alors j’ai écrit deux scènes : le début de l’aventure avec l’arrivée au village (quand le moteur est froid), et l’arrivée dans l’antre du dragon (le pinacle de la séance) que voici pour l’exemple :
Vous commencez à descendre. Après quelques secondes où vous êtes entre quatre murs, la Grande Forge se révèle à vous. L'endroit est profond, sûrement une trentaine de mètres de haut, en forme d'énorme cylindre. Vous voyez au sommet les arrivées des canaux où la lave devait couler en contrebas avant que vous ne fermiez les vannes. Sur toute la hauteur, trois rangées d'alcôves circulaires sont remplis d'or et d'objets précieux. Certains accueillent des statues naines auxquelles il manque la tête. Des restes de plateformes vous font penser qu'auparavant cette plateforme pouvait s'arrêter à trois niveaux différents, mais la plupart se sont effondrés.
"Soyez les bienvenus, aventuriers, dans ma collection." En contrebas, un immense lézard rouge vous regarde descendre comme un chat attend sa proie. Il lève sa patte et désigne une alcôve à votre niveau : "Ici se trouve les joyaux de la Couronne de Pierrebrune, que j'ai récupéré quand j'ai incendié leur capitale. Dans celle-ci, les crânes et les objets des plus puissants aventuriers s'étant cru dignes de m'affronter. Et là, un trésor local, le Forgerune, le symbole du royaume de Bazarak." Il désigne une alcôve opposée à vous, avec une statue de Moradin décapitée tenant un marteau prodigieux, recouvert de symboles magiques. Alors que la plate-forme atteint le sol, le dragon s'avance : "Et vous, qu'allez-vous ajouter à ma collection ? Vos os noircis ou vos objets les plus précieux ?
Eh bien wow… Je suis totalement conquis par ce conseil. Le fait de lire le début de séance m’a enlevé toute fébrilité et doute : j’étais content de ce que j’avais préparé, je savais que je ne pouvais pas me planter.
Dans la salle du dragon, ça m’a permis de mettre en place le décor merveilleux que j’avais imaginé, et aussi d’introduire mon dragon qui n’était pas juste un lézard avec des stats, mais Ignival le dragon rouge collectionneur et perfide.
Ce n’est pas non plus parfait. Autant ça ne pose pas de problème au début de séance, autant la description de l’antre avait un vrai côté cinématique, avec le monologue introductif de mon dragon dans la description. Mais en vrai, je ne trouve pas ça mal avant d’affronter un boss de fin. Il ne faut juste pas en abuser. Et je vais clairement me limiter pour ces descriptions préparées : les débuts de séance, et les rencontres climatiques.
Autre bémol : j’écris avec un niveau de langage plus soutenu qu’à l’oral. Ça change un peu de comment je narre d’habitude, et comme je lis, je mets moins de nuance sur mes mots. Du coup, je trouve ça moins impactant. Ce que j’essaierai de faire la prochaine fois c’est juste une liste de choses à dire et dans quel ordre.
La rage de la bataille
Forcément, avec un one-shot contre un dragon, je voulais un combat terrible et d’anthologie. Et je ne parle pas de comment le jouer, mais de comment le raconter. Car j’en ai déjà parlé dans des articles précédents, mais j’ai vraiment tendance à me laisser happer par la mécanique de combat, à passer en mode échiquier, ce qui revient à abdiquer le fait de mettre de l’ambiance dans le combat. Un joueur m’a d’ailleurs dit que j’aurais pu faire davantage « pulp » et il a bien raison.
J’aimerai ici insérer une pensée rapide sur les VTTs. Comme dit plus haut, ça a été ma découverte de Foundry, qui propose des dizaines de modules pour customiser l’expérience. Et j’ai notamment essayé un module qui automatise tout, les jets, les dégâts, et affecte les dégâts aux tokens concernées. Ça va vite, c’est grisant. Mais vu que le logiciel fait tout pour moi, je ne m’étais pas senti le besoin de rajouter de narration dessus. Alors que justement, je m’étais dit que toutes ces macros allaient me dégager du temps pour décrire les choses !
Ainsi, je me pose la question de si l’automatisation à l’excès n’est pas l’ennemie de l’ambiance dans un combat. A creuser.
J’ai donc voulu reprendre les bases. Alors j’ai relu les articles sur la narration de combat de mon gourou.
Et la chose qui m’a sauté aux yeux, c’est que son process est exactement le même que pour une scène non-combat :
- Le MJ fait une transition vers le tour du joueur
- Le joueur agit
- L’action est résolue mécaniquement
- Le MJ décrit et applique le résultat
- Le MJ fait une transition vers le tour du joueur suivant
Il utilise la métaphore du dauphin bondissant pour expliquer ça : le dauphin bondit hors de l’eau, c’est la narration ; il plonge, c’est la mécanique du combat. Les sauts et les plongeons s’enchaînent, ce qui donne le rythme du combat.
Au début du combat, et de chaque round, il faut dresser la scène générale (comme pour n’importe quelle scène). Puis faire une transition vers le tour de la personne concernée, en se mettant à sa place, et lui indiquer quelle est l’urgence à traiter, ou l’opportunité dont tirer profit. On résout le tour puis le MJ fait la transition vers le joueur suivant. C’est la résolution de l’action précédente qui mène vers l’action suivante.
Lorsque j’ai lu cette article à l’époque, je m’étais dit « Mais oui ! C’est brillant et évident ! » Lorsque je l’ai relu, je me suis dit « Mais oui ! C’est brillant et évident ! » Mais vu que depuis tout ce temps j’ai des problèmes avec la narration de combat, c’est que ce n’est pas assimilé. J’ai donc décidé de faire mes devoirs. Je vais reprendre un round de combat imaginaire de notre combat, et l’écrire comme j’étais censé le faire jouer selon cette méthode.
MJ : Nouveau round ! Le dragon est en milieu de la pièce. Devant lui à quelques mètres, Roger et Inejebod occupent son attention. Olonorin est caché derrière une colonne, et Tabriz se trouve derrière le monstre. Roger, tu es le proche de lui, le dragon te regarde. Que fais-tu ?
Roger : Je me jette vers lui en tirant avec mon arbalète en avançant ! Je fais 17, 12 et 22.
MJ : Deux carreaux ricochent sur ses écailles, mais l’une se fiche dans une fente. Les dégâts ?
Roger : 13.
MJ : Il grogne. Alors que tu es contact avec lui, le dragon avise les deux autres qui cherchent à le prendre en tenaille. Il déclenche ses gazs volcaniques ! Olonorin et Tabriz, la lave se met à émettre de la fumée poisseuse qui se concentre autour de vous. Faites-moi un JS CON.
Tabriz : 14
Olonorin : 11
MJ : Olonorin, le gaz te fait tousser et t’étourdis. Tu es empoisonné et neutralisé pendant un round. Tabriz, tu résistes en retenant ton souffle. Avec Roger au contact du dragon, tu as l’occasion d’attaquer son arrière, que fais-tu ?
Tabriz : Je lui décoche une flèche, en sournoise. 25 ! 7 dégâts et 22 de sournoise !
MJ : Le dragon est concentré sur Roger, tu avises un point faible et tu tires. Il hurle. Vous l’avez irrité, il bat des ailes, ce qui déclenche un gigantesque appel d’air. Roger, fais-moi un JS Force.
Roger : 19.
MJ : Tu restes debout. Le dragon commence à s’envoler et prend de la hauteur, se décale. Roger, tu as une attaque d’opportunité.
Roger : J’ai mon arbalète en main, je ne peux pas en profiter.
MJ : Dommage. Après avoir pris son envol, le dragon se repositionne en l’air et… [Je fais 5 pour recharger mon souffle] il ouvre sa gueule fumante et vous crache un souffle de feu dessus. Roger, Inejebod et Tabriz, vous êtes pris dedans. Faites-moi vos JS DEX, DD21 pour subir la moitié des dégâts. J’annonce 64 de dégâts.
Roger : Je rate, je tombe à 0 pv.
Inejebod : Je rate, ça fait mal mais je suis toujours là.
Tabriz : Je réussis ! Grâce à mon Esquive totale, je ne prends aucun dégât.
MJ : Pas mal ! Inejebod, Roger est en feu et tombe au sol. Le dragon est en l’air, et à ta droite, Olonorin crache ses poumons à cause du gaz.
Inejebod : Je m’approche de Roger et je lui lance Guérison. Il reprend 70 pv.
MJ : Pas mal. Les flammes s’éteignent, la peau de Roger retrouve sa couleur naturelle et il rouvre les yeux. Olonorin, c’est ton tour mais tu craches trop tes poumons pour pouvoir agir. Nouveau round…
Déjà en l’écrivant ça a l’air beaucoup plus concret. Et ça a l’air excitant comme combat. Une remarque tout de même.
C’est long. Imaginons que chaque transition me prend 30 secondes – et c’est sûrement davantage – ça veut dire qu’avec 6 combattants, et que le combat dure 3 rounds, je passe au moins 10 minutes à faire cette narration. C’est énorme. Et c’est encore pire s’il y a davantage de combattants ou que le combat dure plus longtemps. Et il faut à chaque trouver quelque chose à dire, et lorsque c’est le 12e coup d’épée du combat… Sûrement cette narration est à réserver au premier round, et peut-être deuxième du combat, pour poser l’ambiance et imprimer les ennemis dans le cerveau des joueurs. Après ça, une approche purement mécanique me paraît plus économe en temps. On décrirait alors juste les coups particuliers : les sorts, les réussites critiques et les coups qui font tomber un ennemi. Je vais essayer ça. Mais je sais que je vais encore oublier alors je vais me mettre des post-its partout sur l’écran pour y penser.
Bonus : Se battre comme un dragon rouge
Petite section pour m’auto-congratuler aussi de ce combat contre mon dragon. En tant que kikoo-dragon, j’avais la pression. Bardé d’objets magiques, j’avais peur que le combat soit trop facile pour le groupe, surtout que j’ai tendance à jouer un peu bisounours et à ne pas être très malin tactiquement. J’avais notamment trouvé que j’avais mal joué mon dragon noir dans la campagne Izzet.
Alors j’avais préparé mon coup en lisant The Monsters Know What They’re Doing, qui détaille comment tirer le meilleur des monstres. Et là mes joueurs ont tout de même roté du sang. Le magicien HS avant sa première action en se prenant un souffle de feu. Le prêtre a passé toutes ses actions à guérir le groupe. Le guerrier est tombé une fois. Le prêtre deux fois, et le magicien une fois encore.
C’était vraiment un combat bien coolos. J’aurais certainement pu faire un peu mieux : j’ai dû oublié une action légendaire une fois ou deux, j’aurai pu voler davantage, j’aurai pu me concentrer sur le prêtre qui guérissait tout le monde et empêcher sa guérison en l’envoyant dans la lave, en le dévorant ou en l’emmenant sur une plateforme…
Voilà, si ça peut vous donner des idées. Et n’oubliez pas, les dragons, c’est la vie.
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