12 règles pour une vie de Jordan Peterson : un résumé partiel et partial

Aujourd’hui, je commence mon article par un « Aujourd’hui virgule » comme tous les blogs non inspirés du monde.

Aujourd’hui, donc, on parle d’un livre de Jordan Peterson que j’ai terminé récemment. C’est plus pratique pour en parler.

Jordan Peterson

J’ai découvert Jordan Peterson il y a un certain temps avec des vidéos de Victor Ferry. Un élément qui m’a intéressé c’est qu’il était porté aux nues par certains et haï par d’autres. On est donc sur un personnage très clivant. C’est pour moi un signe que cette personne touche quelque chose de profond, et qui mérite qu’on s’y intéresse. J’ai donc acheté son livre 12 règles pour une vie : Un antidote au chaos.

Qui est Jordan Peterson ?

Il me semble assez pertinent de commencer cet article en présentant le personnage. Jordan Peterson est un psychologue clinicien qui est devenu enseignant au Canada.

Je le connaissais assez mal avant de le lire, j’avais vu passer quelques extraits, notamment un où il expliquait que la lutte contre le réchauffement climatique posait plus de problèmes que le réchauffement climatique. C’est une mauvaise manière de commencer notre relation, Jordan.

Voilà littéralement tout ce que je savais avant d’ouvrir son livre. C’est volontairement que je n’ai pas cherché à en savoir plus pour ne pas biaiser ma lecture. Par contre, vous je vais vous biaiser, parce que depuis j’ai ouvert sa fiche Wikipédia :

Idéologie : Libéralisme classique, déni du réchauffement climatique, antiféminisme, conservatisme, Conservatisme traditionaliste, anticommunisme

Ok. Comme dit, c’est un personnage clivant, et on n’a pas besoin de chercher longtemps pour trouver des motifs pour le considérer problématique. Il semble aussi apprécier sortir des dingueries sur Twitter (enfin, X, qu’Elon Musk me pardonne) mais je n’arrive plus à savoir si ce sont les gens ou Twitter qui rend l’autre nauséabond.

Critique du livre

Il s’agit du second livre de Jordan Peterson, et le premier destiné à un large public. Le premier m’ayant l’air bien plus aride, et bien plus ancien : presque 20 ans les séparent.

Comme l’indique le titre de mon article, c’est un résumé partiel, et partial, je m’attarderais seulement sur ce qui m’a marqué, en bien ou en mal. Je vais utiliser le même découpage que le livre.

L’ouvrage s’ouvre sur une préface que j’ai trouvé assez médiocre, je passe.

Introduction

Oui, je commence par l’introduction. Incroyable, non ? L’auteur nous explique déjà d’où vient l’idée de son bouquin : d’une liste qu’il avait faite sur Quora il y a bien longtemps.

Mais, surtout, c’est l’occasion pour lui de nous présenter certains de ses concepts phares qui reviennent beaucoup dans le livre, et vraiment, je ne pouvais pas passer à côté.

L’ordre et le chaos

La première, c’est l’idée de l’ordre et du chaos. Je rappelle le sous-titre du livre : Un antidote au chaos. Pour résumer, Peterson prend le Yin et le Yang des taoïstes, et y colle ses propres étiquettes : ordre et chaos. Il nous explique ensuite que trop d’ordre ou de chaos n’est pas possible car l’opposé ressurgit dans l’excès de l’un : c’est la signification des points au milieu de chaque motif. On a plus loin l’exemple du jardin d’Éden : dans un lieu de pur ordre, crée par Dieu, le chaos surgit par l’intermédiaire du serpent qui convainc Eve puis Adam de croquer dans le fruit défendu.

Pour mener une vie la plus épanouie possible, il faut se tenir sur la ligne médiane, entre les deux, entre l’ordre et le chaos.

Représentation du Yin et du Yang

Je visualise bien l’intention qui se rapproche de la problématique de la zone de confort : si on reste dans sa zone de confort (l’équivalent de son ordre, de son connu), on est bien mais on ne fait rien ; si on en sort trop, dans la zone de danger (l’équivalent de son chaos, de son inconnu), on ne gère plus ce qui nous arrive, on ne fait que subir. Ainsi, il faut être mesuré et naviguer entre ces deux eaux. Ok. Le conseil n’est pas très pratique ceci dit, comment naviguer entre ordre et chaos dans l’écriture de cette article par exemple ?

Surtout, il revendique ainsi l’héritage taoïste, mais je ne trouve aucunement l’idée de marcher au milieu dans la page Wikipédia de cette religion. Surtout, ce concept correspond davantage à la Voie du Milieu des bouddhistes. Oups ? Je n’en suis pas certain, car Peterson a la fâcheuse tendance de prendre ce qui l’arrange et à omettre le reste.

Nous n’en avons pas terminé avec cette notion. Car voyez-vous, au sens classique, le Yin et le Yang découpe le monde en contraires, notamment :

  • Yin : Inférieur / Femme / Hiver / Nuit, etc.
  • Yang : Supérieur / Homme / Été / Jour, etc.

Si je vous raconte ça, c’est que Peterson reprend cela en placardant l’ordre comme étant masculin ; et le chaos comme féminin. Sympa pour les meufs.

L’Être

Peterson reprend le concept d’Être d’Heidegger (et le revendique). Honnêtement je ne suis pas sûr d’avoir tout compris. En gros, l’Être serait notre phénoménologie, c’est-à-dire notre vie, et la conscience que nous en avons. C’est notre existence telle qu’on la vit, c’est notre réalité subjective.

Au courant du bouquin, il utilise souvent l’expression être connecté, ou être coupé de son Être. Cela me semble être impossible, car on ne peut pas être coupé de notre réalité subjective.

Soit je n’ai pas compris, et c’est très possible ; soit Peterson utilise une version difformé de l’idée qui sert son propos. Son but, rappelons-le, c’est dire que certaines choses sont biens et d’autres non, et dire que faire des choses pas bien, ça vous coupe de votre Être, de votre Moi intérieur, ça donne un narratif qui marche plutôt bien, il faut l’avouer.

Un système de valeurs

Tout le livre de Peterson repose sur le fait que les individus aient des valeurs, qui guident nos choix et nos actions. Ces valeurs sont souvent transmises par la société. En effet, entre individus d’une même société, qui partagent les mêmes valeurs, la coopération est facilitée. Plus encore, les valeurs donnent du sens à nos actes et à nos vies. Cependant, les systèmes de valeur s’opposent et selon lui, c’est là l’origine des conflits entre les groupes sociaux. Ainsi, pour schématiser :

  • Une société qui véhicule des valeurs fortes offre du sens à la vie de ses membres mais rentre facilement en conflit avec d’autres.
  • Une société qui véhicule des valeurs faibles a une capacité d’inclusion plus importante, mais leurs membres doivent du sens à leur existence par eux même.

Peterson explique qu’en Occident, nous avons choisi la seconde option, mais qu’à persister dans cette voie, nous laissons les gens en proie au désespoir de l’absence de sens. Pour le coup, je trouve cette idée plutôt intéressante.

Règle 1 : Tenez vous droit, les épaules en arrière (Arrêtez vos mauvaises habitudes)

Alors rassurez-vous, mon résumé des règles ne sera pas aussi long que la revue de l’introduction. C’est une promesse que je fais aussi bien à vous qu’à moi, car putain j’attaque la première règle après deux pages et demi, ça sent pas bon ça.

D’ailleurs, si dans le nom des règles vous voyez des parenthèses, comme ici, c’est une proposition pour renommer la règle lorsqu’elle ne me paraît pas pertinente.

La hiérarchie sociale est biologique

Peterson commence par nous raconter en détail la vie des homards et de leurs relations, notamment conflictuelles et amoureuses. Ces explications ont l’air bien sourcées. Pour résumer, les homards ont une hiérarchie sociale, il y a les alphas qui habitent dans les meilleurs quartiers, qui chopent les meufs, qui accèdent à la reproduction car choisis par les femelles ; et les bêtas qui sont tristes et stressées.

Et donc, c’est pareil chez l’humain. Si si. La preuve, les homards sont une très vieille espèce (au sens qu’elle n’a pas beaucoup évolué) et ils ont une hiérarchie sociale codée dans leurs gènes. Donc, vu que les homards sont vieux, on a la même chose chez les humains. Bien oui, on a nous-même évolué de trucs vieux qui devaient aussi avoir une hiérarchie sociale. Notre hiérarchie sociale est donc d’origine biologique, pas culturelle. CQFD.

Dis autrement : s’il y a des gens au sommet et d’autres qui habitent dans des bidonvilles, c’est à cause de la biologie, pas du capitalisme.

Peterson enfonce le clou en expliquant que les gagnants prennent tout et les perdants perdent tout, chez les humains comme les homards (ça je suis plutôt d’accord). Ainsi, les timides et les chétifs auront davantage de chances d’être ridiculisés par plus fort qu’eux, accentuant encore leur introversion, diminuant encore leur position dans la hiérarchie.

Se révolter

Mais face à cet état de fait, Peterson nous explique qu’il faut se révolter. Certaines personnes se font malmener non parce qu’ils ne peuvent pas riposter, mais parce qu’ils refusent de riposter, de faire preuve de violence pour se faire respecter. Notre position de victime dans la hiérarchie sociale n’est pas forcément une fatalité.

Pour remonter la hiérarchie, il faut commencer par revoir ses mauvaises habitudes : la première, c’est de se tenir droit, et pas avachi. Plus que du paraître, cela a une dimension métaphysique pour Peterson. Se tenir droit, c’est accepter le fardeau de la vie, d’accepter les défis qui surgiront, de reconnaître et faire reconnaître sa propre existence.

Ensuite, on attaque la mauvaise habitude suivante : mangez-vous bien ? Dormez-vous assez ? Buvez-vous peu d’alcool, ou mieux, pas du tout ? Et ainsi petit à petit, notre vie s’améliore, et notre position sociale avec elle.

Règle 2 : Prenez soin de vous comme vous le faites avec les autres

Le narratif de cette règle est le meilleur exemple, le plus saillant, de ce que je reproche à Peterson et à son livre : partir d’éléments sourcés et significatifs et les expliquer avec des dingueries, dont il faut trier le bon grain de l’ivraie.

Vous avez pris vos médicaments ?

Les gens ne prennent pas bien leurs médicaments. Ça a l’air bien sourcé. On leur prescrit des trucs, mais un tiers ne va les chercher à la pharmacie, et un autre tiers ne les prendront pas correctement. Mais pourquoi donc ?
En revanche, si nous devons gérer la prise de médicaments d’un proche, voire d’un animal de compagnie, les gens seraient statistiquement plus sérieux dans l’administration des doses prescrites aux autres. Mais pourquoi donc ?

Elle est intéressante cette question non ? En ben son développement passe par un délire mystico-chrétien avec une exégèse de la Genèse que je vous épargne. La réponse ? Depuis le pêché originel, les gens mesurent avec appréhension leur appétence pour le mal, et ont donc une culpabilité existentielle. Ils pensent donc que les autres ont le droit de vivre, mais pas eux, donc ils ne prennent pas leurs médicaments.

Oh putain.

Ne passez pas les autres avant vous

C’est le conseil pratique central, justifiant la dinguerie précédente. Il faut se considérer assez important pour nous-même, car nous existons, tout simplement. Il ne faut donc pas être son propre bourreau.

Vu qu’on voudrait aider les autres, mais pas nous-mêmes, il faut se considérer comme ayant besoin d’aide. Qu’est-ce qui pourrait être bénéfique pour nous ? Si nous étions un enfant dont nous avions la charge, comment nous éduquerions-nous ?

Règle 3 : Choisissez pour amis des gens qui souhaitent ce qu’il y a de mieux pour vous

Grosso modo, cette règle traite des personnes toxiques… et c’est plutôt bien.

Vouloir aider les autres

Lorsqu’on a un ami en difficulté, on souhaite généralement faire quelque chose pour lui.

Peterson pose cependant deux difficiles questions préalables :

  • Votre envie d’aider est-elle seulement motivée par l’altruisme, ou a-t-elle pour but d’afficher vos vertus auprès des autres ?
  • La personne que l’on aide veut-elle vraiment s’en sortir ou cherche-t-elle simplement de l’attention ?

En effet, une personne qui ne veut pas réellement faire face à ses difficultés ne fera aucun progrès. On ne peut pas aider les gens contre leur gré. Peterson nous met en garde contre notre naïveté et nous invite à ne pas laisser ces personnes qui ne souhaitent pas être aidés profiter de nous et de notre temps.

Il m’est difficile d’y trouver à redire : il m’est littéralement arrivé cette expérience. J’avais un ami qui luttait contre la dépression et je l’ai soutenu pendant des mois, au prix de passer un mauvais moment à chaque rencontre, mais qu’importe ? Finalement, il n’a jamais voulu mon aide, seulement mon attention.

Choisir ses amis

Avez-vous un ami que vous qualifieriez de « toxique » ? Si oui, pourquoi le gardez-vous ? Si un de vos proches vous disait qu’il était ami avec cette personne, seriez-vous inquiet ? Pouvez-vous vraiment considérer comme un ami quelqu’un que vous ne pourriez recommander aux gens auxquels vous tenez ?

Est-ce que vous traînez avec des personnes médiocres pour vous rassurer vous de votre qualité, en étant convaincu de votre supériorité ?
Les véritables amis n’agissent pas ainsi. Au contraire, ils cherchent à nous pousser toujours plus haut, même si c’est au-dessus d’eux.

Règle 4 : Comparez-vous à la personne que vous étiez hier, et non à quelqu’un d’autre

Avant, on pouvait être le meilleur bricoleur du village. La meilleure chanteuse en ville. Mais maintenant, il y a Internet, et dans un monde globalisé, il y a toujours meilleur que soi.

Lorsqu’on se compare à un autre, on le fait généralement sous un axe précis comme la fortune, la renommée, la compétence, etc. Néanmoins cette personne n’est pas unidimensionnelle. Avez-vous pris en compte l’ensemble des paramètres de vos vies pour vous comparer ? Est-ce que la situation de cette personne est vraiment enviable selon vous ? Voulez-vous vraiment être cette star de rock tellement talentueuse, en tournée dans le monde entier, avec son alcoolisme et sans vie de famille ?

Choisir ses objectifs et avancer

Peterson nous explique que lorsqu’on a un objectif, notre esprit fait une sorte de focale, il se concentre dessus et élude le reste de notre vie et de notre réalité. Ce qu’on vise est ce qu’on voit.
Avoir des objectifs impossibles ne peut donc que nous rendre malheureux. Il faut alors le laisser tomber, élargir notre focale et choisir un but dans nos cordes.

Lorsqu’on avance vers notre objectif, il faut le faire petit à petit. Il vaut mieux faire un peu que pas du tout, et se récompenser pour le travail effectué. Puis recommencer un peu plus gros. Enfin, il ne faut pas avoir honte de recourir à ces stratégies de négociation avec soi-même, si elles nous permettent d’avancer. On reprend une idée de la règle 2 : comment nous éduquerait-on si nous étions un enfant ?

Règle 5 : Défendez à vos enfants de faire ce qui vous empêcherait de les aimer

Cette règle a beaucoup intéressé le jeune papa que je suis, forcément. Bien sûr, Peterson défend une vision conservatrice de l’éducation.

Le quotidien est significatif

Peterson commence avec un exemple : tous les jours, si vous luttez (pas physiquement hein) 45 minutes pour endormir votre enfant, que ce n’est pas un bon moment ni pour vous ni pour lui, est-ce que c’est grave ?

Peterson dit que oui. Parce que pour le parent, ça se cumule jour après jour, et ce n’est pas parce que c’est quotidien et habituel que ce n’est pas grave. Au contraire, selon le principe de l’Être, la vie quotidienne EST la vie. Surtout, le parent risque de développer, sans s’en rendre compte, du ressentiment envers son enfant. Il se vengera à un autre moment et l’enfant n’en comprendra pas la raison.

Arrêtez de vous déconstruire

Cette règle présente une charge sur la déconstruction parentale. Ce n’est pas la dernière fois qu’il critiquera des principes dits progressifs, et pas toujours en rendant justice à leurs arguments. Ici, j’ai l’impression qu’il critique la parentalité positive en s’attaquant à sa dérive : dire que rien n’est de la faute de l’enfant, tout du parent. C’est donc assez facile, et pour le coup j’étais d’accord avec lui. Peterson rejette le fait que les parents soient les amis de leurs enfants, car ce n’est pas leur rôle.

Et là, on a un élément majeur de la pensée de Peterson qui apparaît : il ne faut pas déconstruire les éléments de notre culture car on a aucune idée du résultat. On est sur un solide sophisme de la solution parfaite. C’est vraiment un argument qui revient souvent chez Peterson : nos ancêtres ont crée une culture, si vous la remettez en cause, qui sait ce qu’il va se passer, donc on ne fait rien.

L’origine de la violence

A un moment, il parle de Rousseau et reprend sa célèbre distinction entre l’homme sauvage et l’homme civilisé. Peterson croit que Rousseau propose de revenir à l’homme sauvage (que la civilisation est un mal), alors qu’en fait pas du tout.

Il y a ensuite un sujet sur le fait que la violence serait innée, biologiquement (ça aussi ça revient) : ainsi, les animaux sont violents, et les enfants également si on les laisse faire. Au contraire, c’est l’inclusion dans la société qui tempère la violence innée des enfants.

Des principes éducatifs

Le premier principe de Peterson est plutôt pour le parent : on ne peut pas isoler un enfant de la souffrance du monde, on ne peut pas l’en protéger durablement. Pire, ce n’est pas lui rendre service car la souffrance et la frustration sont vecteurs d’apprentissage. La question c’est comment lui apprendre le maximum avec le moins de souffrance possible ? Cela s’adresse clairement aux parents-poules.

Ensuite, il ne faut jamais récompenser les comportements inacceptables de l’enfant, comme un chantage. « Si tu ne me donnes pas de bonbons, je vais hurler dans tout le magasin ! » n’est pas acceptable et ne doit pas être accepté, sinon c’est lui montrer que cette stratégie fonctionne.

Peterson parle ensuite des punitions, qui doivent être graduées : le regard noir, l’avertissement, une pichenette, l’envoyer au coin, voire une fessée. Ce dernier point m’a beaucoup intéressé et l’auteur développe. Car globalement, les châtiments corporels (la fessée) c’est pas une bonne idée. Ce que dit Peterson c’est qu’il faut pouvoir monter en gamme. Imaginons que vous refusiez de donner la fessée, et que vous avez utilisé la plus forte punition « disponible » et que votre enfant continue de vous défier. Vous êtes coincés. Ce que dit Peterson c’est que le fait de pouvoir monter aussi haut (la fessée) rend les punitions plus faibles valables. Je ne suis pas convaincu. On pourrait très bien passer sur une punition d’une autre gamme : priver de dessert, de console, etc. sans recourir à un sévice physique.

Enfin, Peterson explique qu’il faut éduquer les enfants avec un nombre minimal de règles à suivre de leur côté et que les parents ne les remettent pas en cause plus tard. Les règles doivent rester fixes. L’auteur en cite quelques-uns intéressantes mais générales p. 210-211. Je passe car trop de texte pour cette règle déjà.

Règle 6 : Balayez devant votre porte avant de critiquer les autres

La vie est souffrance, le livre l’a déjà évoqué. Alors, parfois, ce qui nous arrive est juste trop difficile, trop injuste. Dans ce cas, on a envie de maudire tout le monde, la Terre entière, et quand ce sentiment s’enlise dans l’esprit, il devient une envie de vengeance aveugle, une volonté de faire du mal. Peterson détaille ce sentiment en citant des lettres laissés par des tueurs avant de commettre des fusillades dans des écoles des États-Unis, et qui se suicident généralement avant d’être appréhendés par la police.
Ce profond sentiment de détresse peut servir de déclencheur à l’irréparable, ou bien on peut l’utiliser comme carburant pour faire le bien et éviter que d’autres vivent cela. C’est possible : certains y parviennent.

Ainsi, rejeter la faute sur les autres relève de l’aveuglement volontaire. Il convient d’abord de se demander nous, comment nos choix ont eu un impact sur notre existence et se demander que faire pour changer ? Ce travail nous ferra améliorer notre vie et notre environnement en cherchant à corriger nos erreurs.

Un désengagement politique

Je fais un petit aparté, car j’ai vu cette règle être critiquée comme conduisant au désengagement politique. A un moment, il écrit effectivement :

Ne rejetez pas la faute sur le capitalisme, l’extrême gauche ou l’iniquité de vos ennemis. Évitez de vouloir réorganiser l’État avant d’avoir mis de l’ordre dans votre propre existence.

Je ne comprends pas du tout le message de Peterson de cette manière. Il nous invite plutôt à regarder notre part de responsabilité individuelle avant de regarder à l’extérieur. Dire que notre malheur est dû à la société, au système, etc. est non seulement facile, mais déresponsabilisant au possible. Si le problème c’est le système tout entier, il n’est pas soluble. En revanche, si on identifie effectivement le problème comme extérieur, alors on peut agir pour le changer.

Mais également, c’est difficile d’exiger des autres ce que l’on n’applique pas à soi-même. Deux exemples : d’une part l’ancien ministre du budget Jérôme Cahuzac avait un compte en Suisse alors qu’il était chargé de la lutte contre la fraude fiscale ; d’autre part, des militants féministes masculins se comportent comme des merdes avec leurs camarades de lutte. Ceux-là auraient mieux fait de balayer devant leur porte avant de critiquer les autres.

Règle 7 : Concentre-vous sur l’essentiel, et non le plus opportun

Se laisser aller au plaisir immédiat est facile. Ce qui est difficile, c’est de faire des tâches qui portent leurs fruits dans le futur, de sacrifier le plaisir du présent pour l’avenir. Plus le projet est d’envergure, plus le sacrifice doit avoir de la valeur.

La question principale serait donc « Pour quel projet pourrais-je travailler et sacrifier mon présent ? » La réponse se trouve dans nos valeurs, selon ce qui est important pour nous, avec quelques lignes directrices :

  • Ne pas choisir quelque chose de facile, car cela ne demandera aucun sacrifice.
  • Un projet qui soulage la souffrance d’autrui est le plus grand bien qui puisse être fait.
  • Un projet qui inflige de la souffrance gratuitement est nécessairement mauvais.

Peterson nous alerte sur les sacrifices, car cela n’est pas synonyme de réussite. Parfois, on peut juste perdre ce qu’on a sacrifié, et cela peut nous faire perdre la tête (voir règle 6) et ainsi se laisser aller dans des envies mortifères. Et pour éviter cela, il faut être capable de regarder en face sa propre propension au mal, et pouvoir refaire quelque chose de constructif.

Aucun arbre ne peut pousser jusqu’au paradis sans plonger ses racines jusqu’en enfer. (Carl Jung)

Règle 8 : Dites la vérité, ou du moins ne mentez pas

Celle-ci, c’est difficile pour moi d’être critique, car j’essaie de mentir le moins possible, c’est l’une de mes valeurs cardinales.

Dire la vérité

On peut mentir pour de nombreuses raisons : échapper aux responsabilités, attirer l’attention, etc. Mentir signifie toujours faire passer cette raison AVANT la vérité. Or, qu’est-ce qui vaut mieux que dire la vérité ? La vérité nous informe nous et les autres de l’état de la réalité, permettant à chacun de prendre les meilleurs décisions.

Certains justifient d’agir de la sorte « car le monde est pourri, il faut bien cela pour s’en tirer ». Ils contribuent donc au pourrissement du monde, leur prophétie est auto-réalisatrice.

Dire la vérité, c’est aussi accepter les conflits avec ceux qui sont en désaccord avec ce que l’on pense ou veut. Il faut se rappeler que le masque du mensonge finit toujours par tomber. Peterson prend l’exemple d’un enfant qui va faire une école d’ingénieur pour faire plaisir à ses parents alors qu’il n’aime pas cela. Il se ment à lui-même et à ses parents. Démotivé, il risque d’échouer, et le masque du mensonge se brisera avec pertes et fracas. Le refus du conflit avec les autres nous dessert. (confer aussi règle 10)

Accepter la vérité

La seconde partie, c’est la vérité que l’on reçoit. Lorsqu’un élément nouveau vient en contradiction avec ce que l’on pensait jusqu’alors, il est très tentant de faire le dos rond, de faire comme si cette vérité n’existait pas.

C’est révélateur dans le cas des idéologies : ce qui ne se comprend pas par le prisme de l’idéologie ne peut pas exister. Surtout, la raison tombe amoureuse de ses créations et trouvera toutes les raisons possibles pour rejeter ou disqualifier un élément nouveau qui y fait de l’ombre.

Accepter la vérité, surtout déplaisante, c’est très difficile. C’est accepter avec elle de laisser mourir une partie de soi qui se basait sur du faux, et poursuivre son voyage, car c’est qui reste à découvrir qui compte vraiment, pas la défense des idées acquises.

Règle 9 : Partez du principe que celui que vous écoutez en sait plus que vous

J’ai trouvé qu’il y avait beaucoup de blabla pour cette règle, alors je saute directement aux conseils pratiques pour avoir une bonne qualité d’écoute.

  • Pour savoir si on a bien écouté quelqu’un, il faut reformuler, et l’autre personne doit en être satisfaite. Surtout, il ne faut pas juger mais écouter véritablement l’autre, en acceptant que cette écoute nous transforme.
  • Pour régler un problème, il doit être bien formulé. Si on veut aller trop vite à la conclusion du problème (généralement les hommes agissent de la sorte pour être efficace), c’est peut-être car on souhaite esquiver les difficultés de la conversation. Sans avoir tous les tenants et les aboutissants, on ne peut pas solutionner véritablement le problème.

Règle 10 : Soyez précis dans votre discours (Exprimez les problèmes clairement)

Peterson commence par raconter un conte pour enfant : There’s No Such Thing as a Dragon. (C’est assez court). Il compare ensuite le dragon du conte aux problèmes. Quand on refuse de les voir et de s’occuper d’eux, ils grossissent.

Pour résoudre un problème, il faut d’abord l’énoncer pour le rendre visible (voir règle 6 et 9).

Peterson prend l’exemple d’un couple qui se laisse aller à sa routine, et qui ne communique plus sur leurs attentes respectives. Ne pas communiquer est la solution de facilité, mais les difficultés grandissent. Refuser un conflit maintenant c’est subir un conflit dantesque plus tard quand la situation explose.

Règle 11 : Ne dérangez pas les enfants quand ils font du skate-board (Choisissez vos luttes)

Cette règle est compliquée à résumer, j’ai l’impression qu’il y a mis tout ce qu’il n’aimait pas dans le monde actuel.

Le paraître

Il y a un premier bloc qui questionne le lien entre le ressentiment et le paraître de certaines luttes ou décisions :

  • La défense des femmes cacherait en fait la haine des hommes.
  • Vouloir installer des équipements anti-SDFs au nom de la sécurité du quartier est juste la façade pour exclure les pauvres.
  • La défense des pauvres et de la redistribution cacherait en fait la haine des riches et une jalousie vis-à-vis de leur succès.

En clair, j’ai l’impression que l’auteur nous pose à nous demander si nos raisons sont « nobles ». Oui, bof, vu qu’on suppose un agenda caché à toutes les causes, c’est assez facile de traiter les féministes de misandres et les gauchistes de jaloux…

Contre le système

Si on s’oppose au système, qu’on essaie de vivre en dehors de celui-ci, être heureux s’avère difficile. Peterson prend l’exemple d’un de ses amis qui se sentait coupable de l’état du monde. Pour lui, la situation catastrophique du monde était causé par le patriarcat et le capitalisme, et lui était un représentant de ce monde-là, parce qu’il est le fameux homme blanc cis privilégié. Il se mit à nourrir du ressentiment contre le système et ceux qui acceptaient ses règles. Forcément les gens « normaux » se mirent à le rejeter également.
Ce que dit Peterson, c’est qu’on ne peut pas reprocher aux gens qui vivent normalement (selon les règles du système) d’en faire parti car c’est le mode par défaut de la majorité des personnes.

Comme d’habitude avec Peterson, il débouche sur le ressentiment. Un exclu va considérer l’humanité comme viciée, fondamentalement mauvaise, et ainsi une logique implacable et tragique débouche sur le fait de tuer les autres ou soi-même.

Masculinisme et fragilité

En gros pour Peterson, les évolutions sociales actuelles (féminisme en tête) rendent les jeunes hommes malheureux parce qu’ils ne peuvent pas être aussi agressifs qu’ils l’ont toujours été. Être agressif c’est bien parce que ça permet de se faire respecter. Ils n’aiment pas non plus obéir et il faut le leur laisser.

Honnêtement, ce résumé me paraît être un énorme homme de paille de la pensée de Peterson, mais il a vraiment écrit ça. Si je devais résumer l’idée qui se cache derrière tout ça ce serait : Ne protégez pas les autres au point de les affaiblir, mais soutenez-les et renforcez-les. Pour cette raison, les gens doivent pouvoir se confronter à la vie, et s’endurcir.

Je vais essayer d’être concret : il parle notamment d’une très vieille publicité pour un programme d’entraînement où un jeune homme se fait bolosser, puis se muscle, puis boloss les méchants. Pour Peterson, tout va bien. Pour lui, si on empêche le connard du début d’exister, alors le héros du strip ne s’endurcit jamais, ne se muscle jamais et n’obtient jamais le respect qui lui est dû. Le muscle est ici métaphorique, Peterson veut qu’on progresse, et qu’on se fasse respecter, et pour cela on a besoin d’adversité, sinon on ne sera pas prêt pour les évènements les plus durs de la vie.

Règle 12 : Caressez les chats que vous croisez dans la rue (Profitez de ce que la vie vous offre)

Cette ultime règle est l’occasion pour Peterson de parler un peu de sa vie, mais surtout de celle de sa fille avec de gros problèmes de santé dès son enfance, sa détresse face à son impuissance et comment il a pu continuer à avancer malgré les difficultés. Globalement, Peterson joue au messie tout le long de son bouquin en énonçant ses principes comme un prophète à ses disciples, là il y a plus grand monde effectivement. On ne peut qu’avoir de l’empathie pour le combat de sa fille contre la douleur.

Peterson ici ne livre qu’un seul conseil : si vous faites face à un problème absolument terrible et très long, décidez d’en parlez tous les jours, mais sur un seul créneau défini à l’avance, et jamais en dehors. Cela permet de se concentrer et de garder ses forces.

Les petites choses

Le narratif de cette règle c’est nous rappeler que la vie est souffrance, injuste et cruelle.

Pour y faire face, il faut être reconnaissant pour le bien que l’on a. C’est ça, « caressez les chats ». Prenez les petites choses que la vie vous offre et savourez-les car vous aurez besoin de ces rayons de soleils dans les moments les plus difficiles de votre vie.

Si vous refusez de voir le bon quand vous le pouvez, le désespoir s’emparera de vous.

Conclusion (du livre)

La conclusion du livre balaie toutes les règles précédemment énoncées sous la forme de sagesses. C’est joliment écrit, mais on retombe dans le bullshit mystico-chrétien, et pas très intéressant.

Conclusion (de l’article)

Je ne sais décidément pas écrire un article court. Il y avait de la matière aussi il faut dire. Un peu moins de 500 pages s’il vous plaît !

Une focale individuelle

Je synthétise mon ressenti. Peterson parle un peu de société, mais surtout des individus. C’est vraiment le cœur de livre : comment devenir une meilleure personne.

Pour lui, les individus sont des arbres qui poussent dans la terre de la société. Le rôle de la société pour lui c’est d’être le meilleur terreau possible pour ces arbres. Comme des individus formidables ont déjà vécus dans le passé, la société/terreau a fait ses preuves. Il ne faut donc pas la changer, car qui sait ce que ça aura comme impact sur les arbres ? Il a un énorme angle mort sur ceux qui profitent le moins de la société pour s’épanouir selon moi.

Une pensée structurée

Côté pile, Peterson est vraiment bon quand il cite ses sources. On sent qu’il a une vie de chercheur derrière lui (il a participé à une centaine d’articles scientifiques). Côté face, il part dans ses délires bibliques qui nous emmènent… je sais pas où en fait. Selon lui, la Bible est un bouquin qui résume toute la pensée humaine. Forcément, vu qu’il lui fait dire ce qui l’arrange.

Mais globalement, sa pensée est structurée, on ne peut pas la balayer d’un revers de la main (enfin la partie religieuse, si). Le fait qu’il raconte souvent des cracks m’a obligé à avoir mon esprit critique allumé sans cesse pendant la lecture. Vu que politiquement j’appartiens au camp d’en face – disons les termes – ça m’a forcé à réfléchir à pourquoi il racontait des conneries et pourquoi moi j’aurai raison. Parfois, j’avais juste une réaction épidermique injustifiée.

C’est donc une lecture qui remue, et j’en tire du positif. Mais franchement… Je ne vous recommande pas ce livre, sauf si vous aimez confronter votre pensée à une autre.

Allez, au revoir Jordan, tu ne vas pas me manquer j’avoue. Ta prose était lourdingue en plus putain.

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